LE VIOLON
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son oreille absolue
VIOLONISTES et VIOLONEUX, une famille riche et colorée...
"Le violon est le roi
du chant. Il a tous les tons et une portée immense : de la joie
à la douleur, de l'ivresse à la méditation, de la profonde
gravité à la légèreté angélique, il parcourt tout l'espace
du sentiment.
Notre violon n'a plus changé depuis tantôt quatre siècles. Il
est tel que l'ont légué à la musique les luthiers de Crémone,
vers 1550, avec les quatre cordes accordées en quintes, le
manche étroit et l'ardente volute qui fait chapiteau au bout de
la cheville.
Qu'il est beau, ce violon de couleur et de forme.
Dans un violon, tout est vivant. Si je prends un violon dans mes
mains, je crois tenir une vie. Tout est d'un bois vibrant et
plastique, aux ondes pressées : ainsi l'arbre, le violon brut de
la forêt, rend en vibrations tous les souffles du ciel et toutes
les harmonies de l'eau.
Tout est beau dans le violon, tout a du prix. Aux moindres
détails, on reconnaît l'accord de l'instinct musical et d'une
raison, d'une étude séculaires. Les tables sont voûtées selon
un calcul exquis. L'évidement des côtés est d'une grâce
comparable aux plus suaves inflexions de la chair qui sinue de la
gorge aux hanches : cette scotie d'un galbe si ferme et si tendre
n'est pas d'un trait moins sûr que la nacelle des plus pures
corolles. Et les ouïes sont les plus belles intégrales.
Dans le violon visible, je suis toujours tenté de reconnaître
le corps divin du son en croix : le chant sur le saint bois du
sacrifice. Et le grand violoniste, quand il va donner le premier
coup d'archet, semble toujours le grand prêtre d'un culte voué
aux enchantements. Son geste est une incantation.
Voilà la merveille de vie sonore, avec les quatre-vingt-trois
pièces qui la composent, que les luthiers de Crémone ont
portée à la perfection.»
© André Suarès, Pages,
Éditions du Pavois, Paris 1948.